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Photo du rédacteurMaurice Johnson-Kanyonga

De Gutenberg à Zuckerberg

Dernière mise à jour : 19 mars 2022

Attendus avec une certaine excitation …mais aussi une certaine anxiété, les résultats 2019 des tests PISA sont finalement tombés…


Le PISA, pour programme international de suivi des acquis des élèves (en Anglais : Program for International Student Assessment) évalue les performances des systèmes éducatifs de plus de 80 pays allant de l’Albanie au Vietnam en passant par le Chili, la Norvège ou le Qatar. Les enquêtes sont menées tous les trois ans auprès de jeunes de 15 ans et portent sur l’évaluation des compétences en lecture, en Mathématiques et en Sciences, définies comme celles dont tout citoyen moyen peut avoir besoin pour réussir dans sa vie quotidienne. Pour la première fois depuis le lancement des études PISA en 2000, les compétences en Mathématiques des élèves en Fédération Wallonie-Bruxelles sont désormais (légèrement) supérieures à la moyenne des pays membres de l'OCDE. Avec un résultat de 495 points en Mathématiques, la Fédération Wallonie-Bruxelles passe pour la première fois au-dessus de la moyenne de l'OCDE (489 points), selon les résultats de l'édition 2018 publiés mardi dernier. La FWB reste néanmoins encore à bonne distance de la Flandre (518 points), qui recule toutefois dans le classement international.La première place de la classe européenne est attribuée à l'Estonie. Malgré cette performance encourageante, les résultats de l’enquête laissent peu de raisons de se réjouir. Avec une moyenne de 481 points contre 487 au niveau de l’OCDE, les compétences en lecture sont en baisse pour la 3ème année consécutive.


La dernière enquête s’intéresse principalement à la lecture, notamment à la capacité à lire de manière fluide, à localiser de l’information, à comprendre le sens d’un texte et à réfléchir sur son contenu et sa crédibilité. En conclusion, l'étude révèle un recul de la pratique de la lecture chez nous.



Génération Wikipedia : celle qui ne lit pas les pages

Pour la première fois en Fédération Wallonie-Bruxelles, il y a désormais davantage de jeunes (33%) qui considèrent la lecture comme une "perte de temps" que de jeunes qui la citent parmi leurs loisirs favoris (28%). Cette évolution, souligne l'OCDE, n'est toutefois pas propre à la Belgique, mais touche l'ensemble des jeunes de pays développés. A la faveur d'un monde occupé de plus en plus par les smartphones, les jeunes se détournent en effet des textes longs, imprimés sur papier, au profit des messages plus courts (et des vidéos) publiés sur des supports numériques. Là où autrefois, la lecture comblait des moments de temps libre, les écrans occupent aujourd'hui de plus en plus les moments creux.



Qu’en penserait Gutenberg ?

L’Histoire retient la date de 1451 comme celle de l’impression du 1er livre faisant de l’invention de Gutenberg l’un des événements majeurs de la Renaissance. La reproduction des livres imprimés a ouvert l'accès à l'information de manière révolutionnaire. Au XIXème siècle, l'apprentissage de la lecture, généralisée par l'instruction publique obligatoire prônée par Jules Ferry, fut considérée comme une preuve évidente d'égalité des chances.

Bien plus qu’un simple divertissement, la lecture est surtout un outil précieux pour apprendre à s’exprimer et à penser. Les livres permettent de forger l’esprit critique par la confrontation entre les idées ou les idéologies. Ils nous apportent une inspiration profonde, une interprétation nouvelle du monde, et probablement une culture plus approfondie contrairement à l’image (et à la vidéo en particulier) qui s'appuie principalement sur des ressorts émotionnels et passifs. La lecture est un exercice actif qui permet de faire travailler notre mémoire, de réviser sans effort notre orthographe et d’accumuler des connaissances comme le rêvaient naguère les Voltaire, Diderot et Montesquieu…



Emile Zola : nique ta mère !

Mais à notre époque, il faut se rendre à l’évidence, pour de nombreux jeunes, la littérature n’est ni aussi efficace ni aussi divertissante que le cinéma, la télévision, les jeux vidéo ou les technologies de l’information. La littérature suscite aujourd’hui plutôt l’indifférence générale. Il ne reste que des miettes de la grandeur de Victor Hugo ou d'Emile Zola à leur époque. L'expérience de la lecture des classiques n'a plus rien d'excitant pour des jeunes qui ne se reconnaissent pas en elle lui préférant par exemple une Aya Nakamura, nouvelle égérie de la musique française, dont les parents ne comprennent pas un traitre mot des paroles qu'elle chante…


Oh Djaja, Y a pas moyen Djadja, , genre en Catchana baby tu dead ça

"Les drarés, trop skerk ! Hier, j’étais censé aller graille avec une go que j’ai rencontrée en ksaar. Je lui ai dit que j’allais venir la chercher en droums sauf que mon daron l’a prise pour aller au taf. J’ai eu grave le seum ! Du coup je suis resté à la D, c’est mzi."*

C'est avec cette phrase introductive que Jonathan Collin, anthropologue de l’institut Parnasse-Isei, explique que le langage des jeunes d'aujourd'hui est lié aux différentes sous-cultures (par exemple celle du hip-hop ou de Snapchat) et à la multiculturalité de notre pays, abondamment relayées par les réseaux sociaux.

(*les amis, trop nul ! Hier, j'étais censé aller manger avec une fille que j'ai rencontrée en soirée. Je lui avais dit que j'allais venir la chercher en voiture sauf que mon père l'a prise pour aller travailler. J'étais très énervé ! Du coup je suis resté à la maison, c'est triste).

L’an dernier, une étude de l’association Changement pour l’Egalité annonçait qu’un élève sur quatre sortait de l’école sans pouvoir se servir de la lecture et restera “illettré pratique” durant toute sa vie.

Le constat est interpellant : 24 % des enfants de 15 ans ont un niveau insuffisant pour pouvoir se débrouiller dans la vie”, explique Jacques Cornet, président de l’association.Cela signifie donc “qu’un quart des jeunes n’ont pas les outils pour pouvoir se débrouiller dans la vie. Ils savent lire mais sont incapables de déchiffrer une notice de médicament ou leurs factures, un horaire de train, etc”.

Le constat n’étonne pas Jean-Pierre Coenen, président de la Ligue des droits de l’enfant: “l’école produit des illettrés depuis longtemps. L'orthographe est minimisée, le vocabulaire est simplifiée, quand il n'est pas appauvri. Et l'écriture, pourtant indissociable de la lecture est de moins en moins imposée".

Radical du verbe

Eprouver des difficultés à comprendre un texte et ses nuances s'apparente peut-être à une situation plus préoccupante encore. A l'heure où des jeunes se radicalisent à droite comme à gauche ou sur le plan religieux, l'interprétation des écrits mérite une attention particulière. La lecture comme socle éducatif dans l'approche philosophique devient essentielle pour qu'un jeune apprenne à éviter le piège du processus de développement de croyances extrêmes et d’idéologies qui remettent en question le statu quo et rejettent le compromis.

Confrontés à un nombre croissant de jeunes qui mettent en avant une référence religieuse de manière radicale dans leur construction identitaire et leur comportement, les enseignants et éducateurs n’ont pas, dans leur ensemble, été formés pour faire face à une telle situation. Pourtant, il s’agit d’aider le jeune à s’inscrire dans son époque et à trouver sa place. En conséquence, la posture éducative consiste non pas à se demander «que dit la religion ?» mais «pourquoi ce jeune a-t-il envie de dire que la religion exprime plutôt ceci ou plutôt cela?»

Qu'elle soit philosophique, ou simplement divertissante, la lecture reste excellent pour la santé, mentale, émotionnelle et physique. Au même titre qu'une alimentation saine ou que la pratique Régulière d'une activité physique, la lecture contribue certainement à vivre plus longtemps.

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