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L’intelligence émotionnelle chez les jeunes : un défi éducatif face aux urgences du monde contemporain

  • Photo du rédacteur: Maurice Johnson-Kanyonga
    Maurice Johnson-Kanyonga
  • il y a 14 heures
  • 6 min de lecture

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Cartable tout neuf, vêtements impeccables et joie des retrouvailles après les vacances, la cloche a sonné ; chouette, c’est la rentrée des classes ! Et avec elle, son lot de changements : interdiction du smartphone récréatif pour les élèves, présenté comme le symbole assumé d’une politique ambitieuse bien que contestée, à l’image de la fracture entre la Ministre de l’Education et les enseignants, fâchés depuis les annonces de réformes sur le qualifiant et les restrictions budgétaires annoncées ; sans oublier l’éternelle pénurie de professeurs qui s’apparente dorénavant à une fuite du métier...


C’est clair, la rentrée s’annonce dense et contrastée mais à force de parler d’horaires, de budgets et de smartphones bannis, n’oublierait-on pas que l’école, c’est d’abord ...pour apprendre ?


Alors que les défis pour le futur sont largement connus, le questionnement sur les finalités de l’éducation n’amène-t-il pas inévitablement un gimmick resté longtemps ignoré ?


L’école prépare-t-elle à suffisamment à l’avenir ?


Entre crises climatiques et environnementales, urgences sociales et humaines, accélération technologique, migrations et mouvements géopolitiques, bouleversements culturels et existentiels, les jeunes d’aujourd’hui grandissent dans un monde instable et complexe, interdépendant et multifactoriel où chaque décision demande agilité, créativité et résilience. Nos jeunes devront affronter des défis inédits, mais aussi inventer de nouvelles manières de vivre, de travailler et de coopérer. Ils sont sans conteste l’avenir de notre société. Mais l’école, telle qu’elle existe aujourd’hui, les prépare-t-elle vraiment au futur qui les attend ?


L'intelligence émotionnelle : une boussole intérieure pour naviguer dans un monde incertain


Les urgences de notre époque sont autant de défis qui nécessitent des compétences particulières qui touchent à des dimensions que ni la science, ni la technologie, ni même l’intelligence artificielle ne pourront remplacer.


Si la différenciation pédagogique ou encore l’utilisation du numérique au service des apprentissages constituent des vecteurs de motivation des élèves, l’intelligence émotionnelle mérite également une attention particulière. La conscience de soi, la capacité à percevoir ses émotions, la maîtrise de soi, la compréhension de son propre fonctionnement émotionnel, la motivation intérieure, l'empathie et les aptitudes à gérer les relations humaines sont autant de signes caractéristiques d’un socle fondamental de la formation humaine.


L'intelligence émotionnelle se définit par la capacité pour un individu à percevoir, comprendre, maîtriser et exprimer une émotion qui lui est propre et à distinguer et décoder une émotion chez l’autre. Cette forme d’intelligence va au-delà des capacités cognitives et intellectuelles traditionnelles. Cette conscience exacerbée de ses émotions et de celles d’autrui peut représenter un avantage certain dans la prise de décision collective. Ces compétences sont déterminantes dans la construction de l’estime de soi, la gestion du stress, les relations interpersonnelles, la prise de décision, la persévérance ou encore l’adaptabilité — toutes essentielles à une vie personnelle, sociale et professionnelle équilibrée.

 

Bien plus qu’une compétence douce, c’est une boussole intérieure qui permet de rester aligné dans un monde qui bouge vite, de faire des choix, de coopérer, de construire des projets, de résister à la pression et de relever les défis que le futur de l’Humanité nous impose.


Intégrer l’intelligence émotionnelle dans l’enseignement


Les enfants, les adolescents et les jeunes adultes vivent une période de grande vulnérabilité émotionnelle. Leur monde intérieur est souvent mis à mal par des facteurs de plus en plus pesants et un contexte où le besoin de compétences émotionnelles solides pour se construire, résister aux injonctions paradoxales, développer son autonomie intérieure et faire face aux défis collectifs mérite une attention particulière d’un point de vue pédagogique.


L’école et les institutions de formation ont longtemps négligé le développement émotionnel, focalisées sur la transmission de savoirs académiques. Pourtant, on n’apprend jamais assez bien si l’on ne se sent pas bien. De nombreuses études le confirment : le climat émotionnel influence directement les capacités d’attention, de mémorisation, de motivation et de coopération. Intégrer l’intelligence émotionnelle à l’école implique donc de former les jeunes à se connaître eux-mêmes, à identifier leurs émotions et à donner du sens à leurs réactions, de leur apprendre à gérer le stress, la frustration et l’échec, de renforcer les relations humaines, la coopération et la bienveillance dans les groupes, d’encourager une pensée réflexive, critique, capable de discerner et de se positionner avec nuance.


Je le disais plus haut, en cette rentrée 2025, le climat budgétaire frileux paralyse de nombreuses initiatives, pourtant, investir dans l’intelligence émotionnelle ne demande que peu de moyens face aux bénéfices que l’on peut en attendre en retour. Facilement mis en œuvre à travers des ateliers ponctuels sur les émotions, le corps, la communication non violente, l’introduction de pédagogies coopératives et de moments de régulation dans la classe dès l’enseignement primaires ; des espaces d’écoute et de parole structurés, encadrés par des professionnels formés et l’évaluation de compétences psychosociales au même titre que les savoirs académiques en secondaires ; sans oublier la formation initiale et continue des enseignants à ces enjeux par l’initiation aux thérapies comportementales et cognitives ou à l’approche systémique.

 

Les investissements à concevoir sont surtout humains avant même d’être matériels. L’intelligence émotionnelle se développe par des pratiques pédagogiques simples comme les discussions, les jeux de rôle, les débats, les cercles de parole et les activités coopératives. Elle ne nécessite pas d’infrastructures coûteuses, de matériel supplémentaire ni de technologies sophistiquées. Le “coût” principal est surtout fait de temps pédagogique et de formation, bien moins onéreux qu’une réforme structurelle ou que l’introduction de nouvelles disciplines. De nombreux outils existent déjà (manuels, fiches d’activités, programmes internationaux de Social and Emotional Learning*). Les enseignants peuvent déjà intégrer ces pratiques dans leurs cours existants : Français, Sciences sociales, Education physique ou CPC (philosophie et citoyenneté). Cela évite la création de nouvelles matières ou de nouveaux postes, limitant ainsi fortement les coûts. Les compétences émotionnelles peuvent être développées grâce à des formations continues courtes pour enseignants et le travail en réseau (partage de pratiques pédagogiques) compenserait alors le manque de moyens financiers.


Mobiliser les acteurs éducatifs plutôt qu’injecter des fonds n’est qu’une étape, développer l’intelligence émotionnelle repose avant tout sur un changement de posture éducative : écouter davantage, valoriser les émotions et encourager la coopération. Il est surtout question de volonté politique et institutionnelle, et de changement de culture plutôt que d’une augmentation massive des budgets.


Former des citoyens émotionnellement intelligents pour relever les défis du XXIe siècle


L’intelligence émotionnelle n’est pas une fuite hors du réel. Au contraire, elle est la condition pour affronter lucidement le réel, sans s’effondrer. Face à un monde complexe qui exige plus que des savoirs académiques, elle devient une compétence de survie pour répondre aux crises, aux inégalités sociales, à la menace de déclassement social, à l’hyperconnexion, à la surcharge mentale, à la pression scolaire et à l’orientation précoce autant qu’un levier de réussite. Elle est également un socle de résilience individuelle qui entraîne moins de décrochage scolaire, moins de comportements violents et une meilleure santé mentale. À l’échelle collective, elle contribue à des relations sociales plus harmonieuses, à la prévention des conflits et à l’émergence d’un climat de confiance. À une époque où des enseignants choisissent de s’auto-censurer pour un cours de Biologie humaine ou de faire l’impasse sur un débat en classe concernant le conflit au Proche-Orient, l’école doit enseigner les compétences émotionnelles de façon aussi prioritaire que les Mathématiques ou les Langues. Dans un monde qui valorise les soft skills, l’adaptabilité, la créativité et la collaboration ...l’école ne peut plus se contenter de transmettre des savoirs abstraits. Elle doit désormais former des intelligences entières, capables de naviguer dans la complexité avec sens, cœur et conscience. Les grands défis du XXIe siècle nécessitent des individus empathiques, capables de coopérer et d’innover ensemble. Former à l’intelligence émotionnelle, c’est préparer des citoyens aptes à relever ces défis sans se replier sur la peur ou l’agressivité, mais en cherchant des solutions constructives.


Notre époque impose des défis sans précédent, mais elle offre aussi une chance unique de réinventer l’éducation et la citoyenneté. Jacques Chirac** disait en son temps : on attend tout de l’école, ce qui est le plus sûr moyen de ne rien obtenir d’elle... Moi, je dis que former des citoyens émotionnellement intelligents, c’est donner à la jeunesse les clés pour vivre mieux, ensemble, dans un monde incertain ; investir dans l’intelligence émotionnelle des jeunes, c’est investir dans une société plus inclusive, durable et résiliente.


*méthode pédagogique visant à développer les compétences sociales et émotionnelles dans le cadre des programmes scolaires

** homme politique français de 1964 à 2019, président de la République de 1995 à 2007



Voir aussi : ma conférence sur l'intelligence émotionnelle




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