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  • Photo du rédacteurMaurice Johnson-Kanyonga

NEET OU GEEN ?


la solution au décrochage scolaire passe par le retour à l'attention, l'investissement actif, au sens et  à l'amour dans l'apprentissage

Comprendre et surmonter les défis de l'inactivité éducative et professionnelle


20 ans, c’est le plus bel âge disaient-ils ; entre rêves et insouciance, celui où tout est possible…

 

De Brassens à Rohff, en passant par John Lennon ou encore Axelle Red, tous l’ont chanté et célébré !

 

Vingt ans, c’est aussi l’âge médian de ces jeunes de 15 à 24 ans qui côtoient les affres du chômage.

Culminant à presque 10%(1), ces Bruxellois qu’on appelle les NEET -acronyme anglophone qui signifie « not in Education, Employment, or Training » pour désigner ces jeunes qui ne sont ni scolarisés, ni à l’emploi, ni en formation- sont en première ligne face à la pauvreté, la précarité, l’exclusion dans l’accès au logement ou dans des obstacles à la mobilité et cumulent souvent plusieurs critères : issus de l’immigration, vivant dans des quartiers précarisés, avec des parents eux-mêmes sans emploi. Cette situation entraîne notamment des conséquences significatives sur leur bien-être, leur développement personnel et sur la société dans son ensemble.


Dans cet article, j’explore les causes des NEET, leurs défis et je propose des solutions autour du tutorat en entreprise, des codes et des compétences insoupçonnées pour les aider à surmonter ces obstacles.


De l’échec scolaire à l’aversion pour les institutions…


Certains jeunes deviennent NEET en raison de difficultés éducatives, telles que le décrochage scolaire (18% à Bruxelles, le taux le plus élevé du pays, ndr), les problèmes d'adaptation, ou encore les troubles de l'apprentissage comme la dyslexie ou l’hyperactivité. Ces obstacles peuvent entraver leur parcours éducatif et les exclure progressivement du système scolaire. L’échec à l’école vécu par les NEET entraîne une conséquence sous-évaluée qui s’incarne dans le rejet de toute institution publique. Car comment comprendre autrement que l’école, cette première institution avec laquelle un jeune rentre en contact, dont la mission est de l’aider à développer son potentiel, lui permettre une intégration réussie au sein de la société et l’accompagner dans la construction de son futur professionnel en garantissant une égalité des chances à chacun, puisse se montrer défaillante ? Par le choix d’une orientation spécifique -qui dans la pratique correspond surtout à une voie de relégation- ne correspondant pas aux aspirations de celui ou celle qui en est directement concerné(e) ou en ne parvenant pas à rattraper l’élève qui glisse, patine et trébuche avant d’abandonner son parcours scolaire sans certification aucune entraînant ainsi une déception profonde qui, quelques années après, se mue en véritable aversion pour toute forme d’initiative publique.


…vers l’inactivité qui mène à l’exclusion


Les difficultés économiques, le chômage ou l'absence d'opportunités d'emploi peuvent alors conduire à la désillusion et à l'inactivité chez les jeunes. L'accès limité aux opportunités professionnelles crée ainsi un cercle vicieux, contribuant à la marginalisation des NEET qui, confrontés à des difficultés financières, renforcent ainsi leur situation d’exclusion sociale les rendant dépendants de leur famille, créant par ailleurs des tensions au sein du foyer.


Anxiété et dépression


Les problèmes de santé mentale, tels que la dépression, l'anxiété et les troubles de l'adaptation sociale, induits par l’exclusion, deviennent des facteurs majeurs qui conduisent à l'inactivité chez les jeunes. Les stigmates associés à la santé mentale peuvent également aggraver leur isolement, couplés à l'inactivité prolongée et le manque d'interaction sociale, les NEET sont alors affectés dans leur estime de soi, augmentant ainsi le risque de dépression venant compliquer leur réintégration dans la société.


De plus, l'inactivité prolongée peut entraîner une perte de compétences professionnelles et personnelles, ce qui rend in fine la réintégration sur le marché du travail encore plus ardue. Ce cycle infernal finit par compromettre leur confiance en eux et leur motivation.


Initiatives et pistes de solutions


Au-delà des solutions déjà proposées et qui font l’objet d’une surveillance et d’une vigilance accrue des pouvoirs publics pour résorber le phénomène (il y a 10 ans, les NEET représentaient 17% des jeunes sans emploi) comme l’accès à des programmes de formation adaptés aux besoins des NEET, du soutien psychosocial à travers des initiatives de coaching visant à réduire la stigmatisation entourant les carences de compétences et les politiques de diversité et d’inclusion facilitant leur intégration professionnelle, je souhaite mettre l’accent sur trois outils efficaces, susceptibles d’apporter des solutions aux NEET.


Mentorat et tutorat en entreprise


Les racines du mentorat sont vieilles comme le Monde et porteuses d’une signification profonde que l’on retrouve notamment dans la mythologie quand Ulysse, sur le départ, confia son fils Télémaque à Mentor, qui définit parfaitement la notion : un mentor est une figure autre que la figure parentale, au sens le plus noble, le mentor est un maître caractérisé par la sagesse, la créativité et l'ingéniosité.

 

Aujourd’hui, le mentorat s’envisage comme une forme d’accompagnement individuel d’un jeune par un aîné pour l'aider à mieux se connaître, s'épanouir, prendre confiance en lui et développer son autonomie. C’est en quelque sorte une formation sur le tas, encadrée par un guide qui accompagne un jeune pour l’aider progressivement à maîtriser les compétences qui lui sont nécessaires pour réussir. La relation de confiance et de proximité qui unit le mentor expérimenté et son mentee, issu de la génération suivante, permet également un apprentissage réciproque de grande valeur.

 

Voisin du mentorat, le tutorat en entreprise est une forme d’encadrement qui permet de motiver et de valoriser les salariés les plus expérimentés, en les nommant tuteurs. Non seulement la formule assure à l'entreprise une transmission de sa culture et de son savoir-faire auprès des nouveaux collaborateurs mais elle permet en outre de favoriser l’intégration des nouvelles recrues avec l’assurance qu’elles répondront parfaitement aux attentes et exigences de l’entreprise tout en améliorant l’image de cette dernière.


Les codes et le networking


L’exclusion des NEET, qui les prive de la possibilité d’apprendre les codes et le langage de l’environnement professionnel et de développer un réseau de contacts, constitue un obstacle à l'embauche, en particulier dans une ville où 1 emploi sur 3 se décroche par le bouche-à-oreille.

Permettre à un jeune de participer à des activités qui proposent de rapprocher des profils parfois totalement opposés et veiller à enseigner les codes et les attitudes en vigueur dans le monde du travail sont des missions essentielles que les mentors et tuteurs en entreprise doivent intégrer pour garantir l’intégration d’un jeune dont l’horizon n’offre que peu de perspectives. Quand on sait que le quartier dans lequel on grandit, l’école dans laquelle on va et l’entreprise dans laquelle on travaille sont les 3 facteurs déterminants de la nature et de la force du réseau que l’on peut construire, cette mission prend tout son sens.


Les mad skills, ces compétences insoupçonnées


Selon une étude de Microsoft et McKinsey (The Class of 2030), 30 à 40 % des emplois futurs dépendront de compétences socio-émotionnelles, tandis que les métiers à la croissance la plus rapide nécessiteront des compétences élevées en résolution de problèmes, analyse critique, réflexion et créativité.

 

Dans ce qu’on appelle communément la guerre des talents pour qualifier les difficultés à recruter (et même conserver) les collaborateurs possédant les compétences-clés nécessaires au bon développement d’une entreprise, il est évident que le marché s’appuie d’abord sur ce que l’on désigne comme les hard skills, ces compétences techniques généralement quantifiables et identifiables par un diplôme ou une certification voire acquises au fur et à mesure de l’expérience professionnelle via des formations ou des stages, avant de se pencher sur les autres compétences. Celles que l’on nomme les soft skills sont principalement des compétences comportementales comme des aptitudes telles que le sens de l’écoute, le leadership, le travail en équipe, la gestion du stress, le courage, l’empathie, la capacité à inspirer les autres ou encore la flexibilité et l’adaptabilité.

 

Certains cercles, plutôt d’influence anglo-saxonnes, aiment explorer le registre de ce qu’on désigne depuis quelques années comme des mad skills, des compétences considérées plutôt comme transversales voire inédites. Elles désignent surtout un trait de caractère ou un domaine spécifique dans lequel un travailleur excelle le rendant atypique et singulier, comme le fait d’avoir vécu l’ascension d’une montagne taquinant la cime des étoiles ou le fait d’avoir remporté le célèbre marathon de Bruxelles ou encore le fait d’avoir mené une expédition pour acheminer du matériel scolaire au cœur de la Casamance sénégalaise.

 

Bien sûr, un profil NEET concerné par l’exclusion, les restrictions financières et le manque de relais dans le tissu associatif n’a que très peu de chances de correspondre à ce type de skills. Néanmoins, je m’applique à mettre en exergue le fait que les mad skillz (écrit en argot urbain cette fois, ndr) ne se limitent pas à celles citées plus haut.

 

En effet, vivre (et grandir) dans une situation précaire, où les privations côtoient aisément la pauvreté, pousse à développer des aptitudes qui tiennent à la fois du sens de la débrouillardise et de la créativité avec une capacité accrue à utiliser les ressources de façon optimale au point de faire rougir les cost-killers les plus chevronnés parmi les contrôleurs de gestion. Mieux encore, vivre en galère développe un certain instinct et une capacité à faire face à l’adversité, ce que j’appelle, moi, l’esprit grind(2).


Enfin, gageons que le fait de résister aux sirènes de l’argent facile, de la criminalité ou de l’économie informelle nocive témoigne au moins d’une force de caractère, d’une intégrité certaine et de solides valeurs humaines.


Retour vers le futur


Les NEET représentent un défi complexe, nécessitant une approche holistique de la part du monde entrepreneurial. En investissant dans la formation, en s’appuyant sur le mentorat et le tutorat en entreprise, en permettant l’ouverture à un réseau plus large et en misant sur les compétences insoupçonnées que possède cette jeunesse, il est possible de briser le cycle de l'inactivité et d'aider ces jeunes à réaliser leur potentiel. En comprenant que la question des NEET est d’abord une affaire de négation -d’identité, de parcours ou de maîtrise des langues- il est essentiel d’intégrer les forces potentielles de ce véritable vivier pour que NEET ne se conjugue plus avec GEEN toekomst.


(1) : 22% des moins de 25 ans sont au chômage en Région bruxelloise – Source : Statbel

 

(2) : grind, un mot d’argot new-yorkais synonyme de débrouillardise



Voir aussi : ma conférence sur le décrochage scolaire




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